Dépassionner le rapprochement israélo-arabe pour la pérenniser

Publié le par Abdelkarim Chankou

Une déclaration tripartite signée entre le Maroc et Israël sous l'égide des Etats-Unis mardi à Rabat a récapitulé les différents engagements des uns et des autres. AFP

Une déclaration tripartite signée entre le Maroc et Israël sous l'égide des Etats-Unis mardi à Rabat a récapitulé les différents engagements des uns et des autres. AFP

 

La relation entre Musulmans et Juifs en général et entre Arabes et Israéliens en particulier a longtemps été un sujet tabou qui fiche le tournis aux observateurs et analystes les plus avertis et chevronnés. Quand ce n’est pas la méfiance et la défiance qui règnent c’est la passion et la fascination qui prédominent !

 

Ce chaud et ce froid, ces hauts et ces bas qui ont marqué les rapports entre les cousins ennemis depuis le VIIe siècle de l’ère chrétienne jusqu’à aujourd’hui ont contribué et continuent de contribuer à rendre tout rapprochement culturel ou politique aussi éphémère qu’un nuage d’été. Or pour le pérenniser et l’asseoir sur des baes solides, fiables, viables et durables il faut le dépassionner. En le dépouillant de toute méfiance ou fascination excessives. Il faut en finir une fois pour toutes avec cette dichotomie où les Arabes dits « pragmatiques » ou « modérés » voient dans Israël une superpuissance invincible dont il vaut milieu être l’ami que l’ennemi et les irréalistes un cauchemar qui est la cause de tous leurs maux, qu’il faut éradiquer.

 

Oui, pour normaliser durablement la relation israélo-arabe il est indispensable de la rendre normale. Et pour ce faire il faut que l’État d’Israël lui-même soit normal. Même si ce pays est encore cerné de voisins hostiles cette normalité est une condition sine qua none pour sortir définitivement ses rapports avec le monde arabe de l’ornière de l’instabilité et de l’incompréhension. Un avion commercial de la compagnie El Al qui se pose à l'aéroport de Bruxelles-National est aussitôt entouré de soldats israéliens armés jusqu’aux dents. Pourtant la capitale fédérale du royaume de Belgique et de l’Union européenne n’est ni arabe ni en guerre avec État hébreu ! Si une telle scène qu’on dirait tirée d’un film des cousins Yoram Globus et Menahem Golan se passe encore dans un pays européen qui plus est grand ami et allié d’Israël qu’en serait-il alors d’un aéroport du Maroc (1), des Émirats arabes unis, de Bahreïn ou du Soudan, pays qui viennent de signer des accords de normalisation avec Israël.

 

De même il faut que les Arabes cessent de se prendre pour Dieu le père et admettent définitivement qu’ils sont des êtres humains comme les autres et que le fait d’être une nation dépositaire du Saint Coran, ultime Livre sacré révélé au prophète Mohammed, ultime Messager de Dieu, ne leur donne aucunement le droit de se croire supérieurs au reste de l’humanité et de se sentir liés par un quelconque devoir de convertir le monde à l’islam par la force.

 

Dans les années 1980, feu Hassan II avait appelé, lors de l’une de ses célèbres interviews, les Marocains à ne pas se croire supérieurs aux autres. Le regretté souverain, pionnier et précurseur des dialogues israélo-arabe et islamo-occidental, était convaincu que pour pérenniser un deal entre deux parties il eût fallu qu’il soit basé sur le principe du win-win et du respect mutuel. Aux gouvernements israéliens qui n’ont eu de cesse de l’inviter à se rendre en Israël il répondait chaque fois que sa visite, s’il devait avoir lieu un jour, elle devrait être précédée d’un geste fort de la part de l’inviteur, en l’occurrence une ouverture sur la question palestinienne. Laquelle question demeure au centre des préoccupations de la politique étrangère du Maroc.

 

Donc pour viabiliser et perpétuer toute normalisation entre des pays arabes et État hébreu, dans le cadre des accords d’Abraham ou de Moïse, appelons-les comme on veut, il faudra la soustraire à toute conjecturalité politicienne et surtout à tout effet d’annonce du moment. Sinon le processus d’un pas en avant et deux pas en arrière continuera de plus belle.  Amen.

 

(1)-A souligner que l’accord signé entre Israël et le Maroc le mardi 22 décembre 2020 n’a rien avoir avec « les Accords d’Abraham » signés 15 septembre 2020 à Washington entre Bahreïn et les Émirats d’une part et Israël de l’autre. L’accord de normalisation avec le Maroc est un cas à part : il est la reprise normale d’un processus de normalisation suspendu au milieu des années 1990 et qui a toujours existé en background depuis les années 1960.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article